Homélie du 4e Dimanche de Pâques. Dimanche 3 mai 2020

par le P. Augustin Pic

Le cantique de saint Pierre s’accorde bien avec l’évangile de ce dimanche. L’Apôtre rappelle en effet que nous n’étions que brebis sans berger mais qu’à présent nous en avons un, le bon berger, Jésus-Christ.
Une des grandes idées de ce beau texte, et bien connue, est la suite du Christ, la sequela Christi. Pierre demande à ce que nous suivions les traces du Sauveur, comme ce sauveur en personne avait demandé à chacun de prendre sa croix et de Le suivre, ajoutant, dans notre évangile, que les brebis suivent leur berger. D’où, bien plus tard, l’importance de cette sequela Christi aux origines de l’ordre des Prêcheurs.
Comme autre idée forte, toutefois, ressort l’imitation. L’Apôtre dit en effet, selon notre traduction, que le Seigneur nous a laissé un modèle. Le texte latin porte exemplum vobis relinquens – vous laissant un exemple – ut sequamini vestigia eius – pour que vous suiviez Ses traces. Or selon la langue courante, on dit, pour un modèle, imiter plus souvent que suivre, et, pour un exemple, indifféremment suivre ou imiter.
Donc, en mettant ici en parallèle modèle et suivre les traces, le cantique montre bien quel lien profond et nécessaire est entre la sequela et l’imitatio. Saint Paul d’ailleurs ne se gênait pas pour donner cet ordre : imitatores mei estote – soyez mes imitateurs – sicut et ego Christi – comme moi je le suis du Christ.
Certains doctes ont pensé que chez le nouveau-né tout commence non par la conscience de soi, qu’il n’aura que plus tard, mais par celle d’autrui, de la mère en premier, du père ensuite, puis du reste de la famille et du monde. Que, par conséquent, le sujet se développe par imitation. Car c’est en voyant faire et en faisant comme que peu à peu l’enfant se pose et qu’advient l’homme à la longue.
De fait, qu’est-ce donc que l’homme fait ou la femme accomplie, sinon cette mosaïque d’imitations qui remonte à la prime enfance ? Autrement dit, ce qui fait l’originalité, la personnalité souvent si riche, de quelqu’un, est bel et bien la synthèse largement plus que les contenus.
L’imitation est donc un processus fort, constituant, intrinsèque, et non, comme on tend à le penser depuis trop longtemps, la simple reproduction, extrinsèque et artificielle, du comportement des gens qu’on admire ou qu’on envie.
Suivre Jésus-Christ, donc, c’est Le voir et L’entendre et faire comme Lui. La sequela c’est l’imitatio, et sans l’imitatio, la sequela ne serait plus que divagation et vagabondage. Veut-on se persuader une bonne fois que ce processus est interne plus encore que dans les choses purement humaines ? Il n’est que de penser à l’Eucharistie. Recevoir, par la grâce du sacrement, le Corps, le Sang, l’Ame et la Divinité du Christ, recevoir du même coup l’offrande qu’Il a faite de Lui-même au Père en notre faveur et entrer dans
cette offrande, c’est porter au plus profond de soi la logique et la force d’une imitation qui doit finit en conformation, intime et totale, au Maître sur les pas duquel on aura marché.
En sachant qu’au terme, le Père ne nous reconnaîtra pour Siens que dans la mesure où Il reconnaîtra Son Fils en nous, demandons la grâce, par l’intercession de la vierge Marie et de saint Pierre, d’une fidélité
toujours plus grande à suivre ce plus beau des enfants des hommes, pour être un jour changés en Lui tout entiers.