fr. Christian-Marie Donet o.p.
En lisant les textes de ce jour, j’ai tout d’abord pensé à l’Église ; une interprétation assez commune est de dire que l’Église est le nouvel Israël ; ‘’ Dieu l’aurait instaurée car les juifs auraient échoué dans leur mission ‘’. La limite de cet argument est que d’aucun l’utilise pour justifier l’avènement de l’Islam : les juifs et les chrétiens après eux, ont échoué alors Dieu a envoyé Mahomet pour délivrer son véritable message. L’ennui est que depuis 14 siècles, je ne suis pas sûr que les musulmans aient vraiment réussi et donc je ne comprends pas, si on suit cette logique, que Dieu n’ait pas suscité une nouvelle religion pour confier de nouveau son message à de bons vignerons.
Jésus dans cet évangile s’adresse aux dignitaires religieux de son époque, et il me semble qu’il leur adresse un avertissement, non pas sur le fait qu’Israël et eux en particulier ont échoué, mais il les alerte sur leur comportement. Et en cela cette parole de Jésus est tout à fait actuelle et elle s’adresse aux dignitaires de notre Église et en disant cela je ne pense pas seulement aux prélats, mais à tous ceux et celles qui pensent avoir une parole autorisée surtout pour critiquer ou invalider le magistère. Jésus dénonce tous ceux qui veulent s’approprier la religion. Jésus dénonce avant tout la volonté de pouvoir et aujourd’hui beaucoup de débats me paraissent porter plus sur une volonté d’exercer le pouvoir à la place de l’autre, plutôt que de répondre à la mission confiée par le Christ à ses apôtres : « Allez, de toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que j’ai commandé. Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.» (Mt28, 19-20)
L’Église est le Corps du Christ, Il est la tête, nous sommes les membres. Elle repose sur la pierre angulaire qu’est le Christ Jésus, avec pour fondations les apôtres, saint Paul nous a décrit cette belle organisation dans une de ces lettres. L’Église est une institution divine confiée aux hommes, elle ne leur appartient pas, ils ne peuvent en disposée entièrement comme leur propre bien.
Et dans un second temps, j’ai vu la Création, dans la description de cette vigne et l’aménagement de ce domaine. Le monde qui nous entoure, si bien organisé au départ, nous est confié. Et Dieu nous a aussi donné une feuille de route en ce qui le concerne : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maitres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Gn1, 28) C’est surtout à la lecture du passage du Livre d’Isaïe que cette pensée m’est venu, au vu de toutes les avaries climatiques, sociales et humaines qui touchent notre planète. Les hommes ont abusé du pouvoir qu’il leur était donné sur la Création. Ils détruisent à leur profit individualiste, sans penser que le monde ne leur appartient pas.
Non, ni l’Église, ni la Création, n’ont été, ne sont, et ne seront jamais la propriété d’aucun homme, et pourtant Dieu nous les a confié. Alors je m’interroge : à qui donc Dieu confiera-t-il sa vigne si les vignerons sont défaillants ? Nuls autres que nous ne peuvent répondre à son attente d’être un bon intendant des biens qui nous sont confiés. Le message de Jésus est un appel à la conversion. Ce qui est juste n’a pas besoin d’être justifié, ce qui est vrai et juste se voit. Que le Seigneur nous aide à être toujours plus de bons intendants de ses biens pour qu’ils portent de bons fruits.